A
- Structures
et modes d'organisation
La
diversité des formes de restauration est à l'origine
de la très forte hétérogénéité des structures de la
restauration commerciale.
Le
secteur comptait ainsi plus de 107 000 entreprises en
1995. Plus de 95% emploient moins de 10 salariés. La
restauration commerciale se caractérise également par
un très fort turn-over (nombreuses entrées et sorties
d'entreprises ou cours d'une même année).
Les
sociétés de restauration commerciale s'approvisionnent
généralement en eaux embouteillées auprès de leurs grossistes
ou dans les Cash & Carry (Métro, Promocash,..).
Toutefois,
les grosses chaînes de restauration s'adressent à des
centrales d'achat spécialisées dans les produits alimentaires
ou disposent de leur propre structure d'achat afin de
bénéficier de prix avantageux.
Les
débits de boissons se fournissent quasi-exclusivement
auprès de leur grossiste entrepositaire. Ce dernier
se porte très souvent caution auprès des banques pour
permettre au cafetier d'acquérir un fonds de commerce.
En
échange, le cafetier est lié par un contrat d'exclusivité
pour la fourniture de boissons et de café.
|
Chiffre
d'affaire en 1994 (en MF) |
Enseignes |
Nombre
de restaurants |
Mc Donalds |
5
708 |
Mc Donalds |
353 |
Accor |
3
540 |
Arche,
Boeuf jardinier |
331 |
Agapes
Restauration |
2
500 |
Flunch,
Amarine |
144 |
Casino
Restauration |
2
455 |
Caf'Casino |
221 |
Quick
France |
2
194 |
Quick |
179 |
Servair |
1
757* |
** |
** |
Groupe
Flo |
1
065 |
Flo,
Hippopotamus |
34 |
Buffalo
Grill |
1
064 |
Buffalo
Grill |
1
114 |
Bistro
Romain |
601 |
Bistro
Romain, Bistro de la Gare |
41 |
Sogerba |
572 |
Les
relais, Truckstores Café |
55 |
*CA HT | ** Catering aérien et ferroviaire
Les 10 principales enseignes de restauration commerciale
(Source Néo-Restauration)
B
- La
consommation d'eau dans la restauration commerciale
La
consommation d'eaux embouteillées dans la restauration
porte à 60% sur des eaux minérales gazeuses, le reste
est constitué d'eaux minérales plates. Par ailleurs,
les bouteilles en verre sont privilégiées au détriment
du plastique, moins prestigieux.
Les
grandes marques nationales d'eaux minérales disposent
d'un oligopole dans les CHR : Vittel, Evian et Volvic
pour les eaux plates ; Badoit, Saint -Yorre et Perrier
pour les eaux gazeuses.
Ces
marques ont acquis depuis longtemps leur position dans
la restauration. II est vrai que le réseau des CHR est
le seul qui permette de véhiculer une image et d'imposer
une marque.
Certaines
marques italiennes comme San Pellegrino ou Ferrarelle
sont également commercialisées dans les restaurants.
Les eaux de source sont quasiment absentes des CHR.
Elles sont pénalisées par leur déficit de notoriété
à l'échelon national et par une mauvaise adaptation
de leur packaging.
La
distribution en CHR impose un conditionnement en verre.
mais aussi des bouteilles de différents formats. Seules
quelques marques comme Carola (Alsace) et Pierval (Nord-Pas-de-Calais
et Picardie) ont réussi à percer le marché des CHR en
jouant la carte da la connotation régionale.
C
- Le
prix de l'eau en bouteille souvent jugé excessif dans
les CHR
La
consommation d'eaux embouteillées dans la restauration
a tendance à régresser depuis quelques années. Cela
s'explique en partie par un prix beaucoup trop élevé,
titre d'exemple, 1 litre de Badoit coûte 1,50F (au prix
de gros) et est revendu en moyenne 20F dans les CHR.
Cela
tend à freiner les ventes, pourtant jugées très prometteuses.
Les restaurateurs tentent actuellement de dynamiser
les ventes d'eaux en bouteille carte des eaux tend d'ailleurs
à s'élargir sous la pression des marques étrangères,
et aussi des consommateurs dont les attentes ont évolué
au cours des dernières année.
En
outre, les restaurateurs ont de plus en plus tendance
à considérer l'eau embouteillée comme une boisson à
part entière. L'apparition, au sein d'établissements
haut de gamme, d'une carte des eaux ou encore l'importance
croissante accordée au service de ce produit (respect
de la température...) témoignent de cette évolution.
Marque |
Groupe |
Positionnement |
Packaging |
Eaux
gazeuses |
Badoit |
Danone |
Eau
minérale ; elle se définit comme l'eau
type de la restauration |
Bouteille
en verre consigné de 50cl et 1 litre, bouteille
en PVC de 50cl |
Perrier |
Nestlé |
Eau
minérale ; elle est considérée comme un produit
festif |
Bouteille
en verre consigné de 33cl, 50cl et 1 litre |
Saint-Yorre |
Castel |
Eau
minérale |
Bouteille
en verre consigné de 25cl, 50cl et 1 litre. Bouteille
en PVC de 50cl |
San
Pellegrino |
Nestlé |
eau
minérale ; elle se positionne sur le haut de gamme |
Bouteille
en verre consigné de 50cl, 75cl et 1 litre. Bouteille
en PET de 50cl |
Carola |
Nestlé |
Eau
de source ; connotation régionale (Alsace) |
Bouteille
en verre consigné de 50cl, et 1 litre. Bouteille
en PET de 50cl |
Eaux
plates |
Vittel |
Nestlé |
Eau
minérale ; saveur minéralisée assez marquée, mais
elle accompagne bien la plupart des plats |
Bouteille
en verre consigné de 50cl et 1 litre, bouteille
en PET de 50cl |
Evian |
Danone |
Eau
minérale ; goût très neutre |
Bouteille
en verre consigné de 50cl et 1 litre, bouteille
en PET de 50cl |
Volvic |
Danone |
Eau
minérale |
Bouteille
en verre consigné de 50cl et 1 litre, bouteille
en PET de 50cl |
Carola |
Nestlé |
Eau
de source ; connotation régionale (Alsace)
|
Bouteille
en verre consigné de 50cl et 1 litre, bouteille
en PET de 50cl |
Bien
que dominé par les grandes marques nationales, le marché
de la restauration commerciale reste ouvert à de nouveaux
produits à condition toutefois qu'ils adoptent une stratégie
de différenciation.
En
dehors de la restauration commerciale, on observe une
multiplication des lieux où l'on trouve des boissons
en vente (transports, centres commerciaux. boutiques...),
notamment dans des distributeurs.
En
effet. consommer une boisson dans la rue ne constitue
plus aujourd'hui un comportement marginal. Les eaux
sont directement concernées par ce phénomène puisqu'elles
font partie des boissons privilégiées à l'extérieur.
Faute de données statistiques, il est très difficile
de connaître les ventes d'eaux en bouteille dans ces
divers endroits.
D
- Les
Consommateurs
Les
enseignements tirés de l'analyse des disparités selon
les variables descriptives du profil des ménages permettent
de préciser les é1éments déterminants de l'arbitrage
entre consommation d'eau en bouteille et celle d'eau
du réseau de distribution.
II
apparaît en premier lieu que les différences de comportement
entre les différent groupes de consommateurs sont extrêmement
faibles comparativement à ce qui peut être généralement
observé sur d'autres produits de consommation.
Néanmoins,
l'examen des résultats statistiques tirés du croisement
des attitudes des ménages enquêtés avec leurs caractéristiques
descriptives permet de tirer les conclusions suivantes
:
- L'écart
de consommation d'eau en bouteille entre les hommes
et les femmes est faible, ces dernières se révélant
consommatrices dans une proportion à peine supérieure
à ce qui peut être constaté pour les hommes.
- La
préférence pour l'eau en bouteille croit avec l'âge,
même si cette constatation doit être minorée par la
prise en compte des consommateurs occasionnels. La
progression de la proportion de consommateurs avec
l'âge présente une discontinuité pour la tranche des
personnes de 25 à 34 ans où la proportion moyenne
de consommateurs est accrue par la fréquence plus
élevée de foyers comptant dans leur rang des enfants
en bas âge.
- La
proportion d'adeptes de l'eau en bouteille décroît
avec la taille du ménage, ce qui semblerait traduire
le fait que 1'é1ément pouvoir d'achat rapporté au
nombre d'unités de consommation du ménage prévaut
sur l'effet favorable à la consommation d'eau embouteillée
que constitue la présence d'enfants. Toutefois, cette
corrélation négative souligne également le poids important
des retraités dans l'échantillon étudié, ces derniers
appartenant en majorité à des ménages de faible taille.
- L'effet
de la taille de l'unité urbaine d'habitation ne présente
pas un impact significatif.
- L'influence
des caractéristiques socio-économiques des ménages
sur l'arbitrage entre consommation d'eau embouteillée
et eau du réseau est globalement limitée même si les
retraites affichent une plus forte propension à consommer
de l'eau en bouteille. Le niveau de revenu et le diplôme
ne semblent présenter aucune corrélation significative
avec l'arbitrage des consommateurs.
Au
total, les corrélations observées entre les caractères
descriptifs des ménages et leurs attitudes face à l'eau
embouteillée apparaissent extrêmement faibles, venant
confirmer la forte pénétration du produit d'une façon
relativement uniforme dans chaque tranche de population.
Bien
que d'une intensité modeste, les relations observées
entre les caractères explicatifs de la consommation
d'eau en bouteille permettent d'envisager la poursuite
d'une tendance à la hausse du marché. dans le sens où
les trajectoires constatées sur l'évolution de ces éléments
(vieillissement de la population, réduction de la taille
moyenne des ménages harmonisation des standards régionaux
de consommation au, niveau national ou progression du
pouvoir d'achat) devraient finalement se révéler plutôt
favorables à la consommation d'eau en bouteille.
|
Beaucoup |
Assez |
Un
peu |
Pas
du tout |
Le
produit présente des garanties d'hygiène et sécurité |
56,5 |
28,0 |
11,6 |
3,4 |
Le
produit est fabriqué en France |
52,7 |
21,8 |
16,6 |
8,9 |
Le
produit à des garanties écologiques |
37,7 |
35,4 |
19,8 |
6,2 |
Le
produit est fabriqué dans vote région |
33,8 |
24,0 |
23,1 |
19,1 |
La
marque vous inspire confiance |
37,7 |
28,3 |
23,2 |
10,8 |
Le
prix est compétitif |
67,0 |
20,5 |
9,9 |
2,6 |
Le
produit porte un label de qualité |
42,6 |
31,5 |
14,3 |
11,6 |
Le
fabricant soutient une cause humanitaire ou écologique |
24,3 |
31,3 |
23,9 |
20,4 |
Le
produit est recommandé par une association de consommateurs |
24,2 |
29,4 |
23,5 |
22,9 |
La
forme du produit ou de l'emballage vous plaît |
11,2 |
19,6 |
30,0 |
50,0 |
Vous
avez vu de la publicité pour le produit |
4,1 |
14,3 |
30,7 |
50,1 |
C'est
un nouveau produit |
8,3 |
16,5 |
30,1 |
34,1 |
Caractéristiques incitatives aux achats (Source Crédoc)
E
- La
recherche de garanties d'hygiène et de sécurité
Le
fait qu'une eau présente des garanties d'hygiène et
de sécurité constitue la première motivation (47% des
personnes interrogées se déclarent fortement incitées
à consommer une marque d'eau plutôt qu'une autre pour
ce motif et confirme la mise en avant par consommateurs
des éléments sécurisants.
Ce
phénomène est une constante de ces dernières années.
Dès 1990 l'évolution de la conjoncture macro-économique
(notamment la poursuite de la progression du chômage)
et du contexte géopolitique (la crise du Golfe éclate
au cours de l'été 1990) contribuent à exacerber les
sentiments de crainte des ménages français.
Cette
montée des inquiétudes, qui a été largement décrite
et commentée dans les différents travaux menés notamment
au sein du département Aspirations et Conditions de
vie des français du Crédoc, s'est traduite par une progression
importante des attitudes attentistes (moindre désir
de consommer, reports d'achats, augmentation du taux
d'épargne) et une réorientation qualitative des achats
vers des produits comportant de fortes garanties d'hygiène
et de sécurité.
La
plupart des fonctions de consommation. alimentaires
ou non, ont été et continuent d'être affectées par le
dévolu jeté par les consommateurs sur ces biens de consommation
dits "rassurants". L'eau embouteillée a largement bénéficié
de ce déplacement des attentes des ménages vers les
produits présentant des garanties sanitaires importantes.
L'eau
de source a au moins autant profité de cette évolution,
en se positionnant comme un substitut bon marché à une
eau du réseau de distribution de plus en plus décriée
et source d'inquiétude, que l'eau minérale dont les
bienfaits et les qualités objectives sont largement
vantés dans les campagnes de promotion des grandes marques.
Cette inclinaison des consommateurs vers les garanties
d'hygiène des produits transparaît également au travers
de la sensibilité des ménages aux incitations que constituent
:
- La
présence d'un label de qualité, cité comme très important
par 25% des personnes interrogées alors qu'un tel
label n'existe pas en tant que tel pour l'eau minérale.
- La
recommandation par une association de consommateurs,
45% des individus se déclarant "beaucoup" ou "assez"
incités par un tel conseil à l'achat d'une eau plutôt
qu'une autre.
La
plupart des fonctions de consommation. alimentaires
ou non, ont été et continuent d'être affectées par le
dévolu jeté par les consommateurs sur ces biens de consommation
dits " rassurants ". Mais la recherche de garanties
d'hygiène-sécurité dans les produits traduit l'émergence
d'une tendance lourde consistant en une prise en compte
croissante des préoccupations de santé et d'hygiène
du corps.
F
- Les
eaux embouteillées et la prise en compte croissante
des préoccupations de vente
La
progression stable et soutenue des dépenses de santé
dans l'ensemble des pays développés bénéficie largement
au secteur des eaux embouteillées. La montée des inquiétudes
constatée depuis plusieurs années et décrite dans la
section précédente, en particulier la crainte de maladies
graves, a contribué à amplifier les effets de cette
dynamique en étendant le champ des fonctions de consommation
affectées par la prise en compte croissante de ces préoccupations
sanitaires.
En
effet, la progression des dépenses de santé des ménages
ne se retrouve pas uniquement dans l'augmentation des
soins ambulatoires et des dépenses de médecine de ville,
mais également dons une orientation plus marquée des
choix des consommateurs vers les produits qui mettent
en avant leurs propriétés bénéfiques pour la santé.
En
1992, les résultats de l'enquête menée au Crédoc par
le département Aspirations et Conditions de vie des
Français mettaient en évidence l'intensité de la relation
entre alimentation et santé.
A
la question sur le comportement qui représente le mieux
la prévention, 95% des Français déclaraient faire attention
à ce qu'ils mangeaient, le thème de l'alimentation devançant
toutes les autres possibilités de réponse. Une autre
enquête du Crédoc en offre une seconde illustration,
en montrant que la recherche d'un équilibre alimentaire
est considérée par 87% des Français comme le premier
moyen d'améliorer son état de santé, bien avant l'intensification
de la recherche médicale.
Les
produits de consommation alimentaire offrent de nombreux
exemples de débordement de la prise en compte des objectifs
d'amélioration de l'hygiène corporelle bien au-delà
du strict domaine des dépenses de santé. Le champ des
dépenses alimentaires offre en effet aux consommateurs
de nombreuses possibilités, souvent raisonnables en
termes de prix, d'avoir une action positive sur leur
état de santé.
Le
statut quasi-médical de l'eau minérale, qui était encore
majoritairement commercialisée dans les officines pharmaceutiques
il y a une trentaine d'années accroît la portée de ce
phénomène sur cette famille de produit. La proportion
d'individus accordant la première place a l'attention
portée à l'alimentation dans la prévention des maladies
présente un profil similaire au taux de pénétration
de l'eau minérale dans les ménages, c'est-à-dire qu'elle
augmente sensiblement dans les tranches d'âge supérieures
à 50 ans.
La
prépondérance de la dimension santé et de la recherche
d'une meilleure hygiène de vie est confirmée par les
déterminants de l'arbitrage des consommateurs d'eau
embouteillée et eau du réseau de distribution, celui-ci
reposant sur l'insatisfaction et les craintes à l'égard
de l'eau du robinet . Les caractéristiques objectives
des nouvelles eaux minérales ou le campagnes de promotion
de marques plus anciennes, comme le développement d'Hépar
qui est principalement basé sur sa richesse en magnésium
ou comme la publicité d'Arvie vantant ses vertus thérapeutiques
en détaillant sa composition organique, traduisent bien
cette évolution.
Les
deux catégories d'eaux embouteillées devraient donc
continuer de bénéficier de cet engouement des consommateurs
pour les valeurs de santé, aussi bien que l'eau minérale
en tant que produit possédant des vertus thérapeutiques
reconnues par l'académie de médecine et affublée d'un
agrément officiel du ministère de la santé, que l'eau
de source dont les garanties hygiéniques constituent
le principal motif de consommation.
On
notera néanmoins toute l'ambiguïté sur laquelle se basent
les services de marketing de certains producteurs d'eaux
de source qui n'hésitent pas à rappeler que si une simple
autorisation préfectorale a permis la mise sur le marché
du produit (seule formalité obligatoire pour les eaux
de source), le matériau de la bouteille (en général
du PVC par ailleurs plutôt mal vu en Allemagne et interdit
en Suisse) a, lui, reçu l'agrément du ministère de la
Santé publique.
G
- L'attention
portée au prix des eaux
Les
périodes de dégradation de la situation conjoncturelle
ou de ralentissement de la croissance économique s'accompagnant
nécessairement d'une progression de rôle du prix dans
les critères de choix des consommateurs.
L'achat
d'eau en bouteille, d'autant plus lorsqu'il est réalisé
dans le cadre des "courses" alimentaires, dans la mesure
où l'unité de lieu et de temps des achats crée une certaine
dose de critères d'arbitrage communs à tous les produits,
ne pouvait déroger à la règle.
La
progression de la part de marché des formes de commerce,
notamment le hard-discount accordant le premier rang
à l'élément prix a également contribué à entraîner le
segment des eaux dans le mouvement qui a affecté l'ensemble
des produits alimentaires de base, voire de "première
nécessité", l'emploi très subjectif de cette expression
pour l'eau en bouteille traduisant l'opinion des consommateurs
qui considèrent le produit comme indispensable d'un
point de vue sanitaire en reléguant l'eau du robinet
au rang des produits à bannir.
Dans
le classement des caractéristiques incitatives à l'achat
d'une eau plutôt qu'une autre, le fait que l'eau soit
bon marché recueille un nombre de suffrages significatif,
correspondant à près de la moitié des consommateurs
interrogés, ce qui constitue un résultat d'autant plus
élevé que le prix d'un litre d'eau peut sembler modéré
comparativement à la plupart des autres boissons.
Comme
l'analyse des profils des consommateurs a pu le montrer,
le prix semble donc intervenir comme élément important
de l'arbitrage des ménages entre les eux minérales et
les eaux de source, voire les eaux gazeuses. plutôt
que comme élément de leur choix pour l'eau embouteillée
ou détriment de l'eau du robinet qui repose davantage
sur la sensibilité aux questions de santé et d'hygiène
de vie.
H
- Les
valeurs écologiques
La
montée des préoccupations écologiques tient également
à la progression d'une crainte, celle de voir l'environnement
se dégrader dans des proportions inquiétantes. Nul doute
que l'accident de la centrale ukrainienne de Tchernobyl,en
1985 a forcement contribué à accroître la sensibilité
de l'opinion publique et l'intensité de couverture médiatique
sur ces questions.
Les
enquêtes du Crédoc avaient, en 1986-1987, enregistré
une progression significative des inquiétudes relatives
à la dégradation de l'environnement, et la courbe n'est
jamais réellement retombée depuis. La prise en compte
des questions relatives à la protection de l'environnement
a été une constante des dix dernières années.
Mais
la caractéristique principale de cette évolution réside
certainement davantage dans sa diffusion à l'ensemble
de la population notamment chez les adultes et les seniors
pour lesquels le concept de protection de l'environnement
sous le poids des événements et de leur présentation
par la presse, a progressivement perdu son image de
valeur contestataire.
Récoltant
l'adhésion du plus grand nombre, et notamment celle
des décideurs économiques et politiques qui, s'ils n'ont
pas tous été personnellement convertis à la cause, ont
perçu le bénéfice qui pouvait en être tiré en termes
d'image, les mesures visant à protéger l'environnement
ont connu une phase de développement accélérée.
L'écologie
intervient à deux niveaux dans l'eau minérale. Tout
d'abord, au niveau du produit lui-même, les eaux de
source et minérales étant en effet originaires de sites
protégés et limités géographiquement. Selon le message
de certains producteurs, l'eau se doit donc de répondre
d'une façon aussi naturelle que possible aux besoins
physiologiquement primaires de l'être humain.
Pour
bien marquer cette nécessité, les slogans publicitaires
de certaines eaux, comme Evian, la comparent à un autre
élément naturel. "parce que l'eau que vous buvez est
aussi importante que l'air que vous respirez". Une autre
marque, Volvic, considère que les bienfaits de l'eau
minérale constituent une connaissance acquise par les
consommateurs et mettent en avant la dimension écologique
et régionale du produit en faisant appel à un vulcanologue
pour présenter le trajet naturel de l'eau. Si forcement
associée à la dimension naturelle, l'eau minérale est
même présentée dans un autre spot publicitaire pour
la marque Valvert comme le produit choisi par un ourson,
associant un animal symbole du combat écologique (la
présentation du tracé d'un grand axe routier sur un
site pyrénéen où vivent des ours a fait l'objet d'un
débat acharné sur la préservation de l'espèce en France),
et le thème de la petite enfance rassurant quant à la
qualité sanitaire du produit (comme les producteurs
de shampooings pour bébé l'avaient constaté il y a quelques
années : "si c'est bon pour votre bébé, c'est donc que
c'est bon pour les adultes".
L'application
du thème écologique possède dans le secteur des eaux
embouteillées une seconde dimension portant sur le conditionnement
des produits qui n'a encore été qu'incomplètement exploitée
en France et, compte tenu de la structure du marché
selon les type d'emballage.
La
segmentation du marché selon les conditionnements a
permis de préciser le poids prépondérant des plastiques
dans l'offre de produits commercialisés dans le canal
alimentaire traditionnel.
L'apparition
du PET, plus solide et moins polluant que le PVC, car
il ne provoque pas, au cours du procédé de recyclage
(par incinération), d'émissions de gaz toxiques, donne
une opportunité de relance du thème de l'écologie.
I
- Les
valeurs du "terroir"
La
prise en compte des valeurs écologiques par les consommateurs
s'accompagne également d'une recherche accrue des racines
locales des produits. Les valeurs de terroir constituent
pour les consommateurs un refuge contre une trop forte
industrialisation des produits.
Le
terroir dispose d'une dimension tout à fait particulière
dans le segment des eaux en bouteille car la source
correspond à un site géographique connu. Alors que la
tendance sur la plupart des marchés de consommation
de produits alimentaires consiste en une progression
de l'internationalisation (fromages italiens, soupes
asiatiques...), les "eaux d'ailleurs" présentées dans
les linéaires dans une cave à eaux plutôt haut de gamme
ne séduisent qu'une faible partie des consommateurs.
Les
eaux de source étant pour la plupart d'origine locale,
les coûts de logistique et de diffusion au niveau national
pouvant se révéler trop élevés pour ces produit plutôt
bon marché, elles ont largement bénéficié de l'image
favorable de la dimension régionale. Le souvenir de
la quête de l'eau proche est apparu fortement présent
dans l'imaginaire des personnes d'un certain âge, surtout
dans le sud de la France.
Le
crédit donné au terroir régional s'oppose ainsi nettement
pour les eaux embouteillées aux autres origines géographiques
du produit. Le fait que l'eau soit produite en Europe
n'a que peu d'impact sur les choix des consommateurs,
l'essentiel de la production mondiale étant de toute
façon d'origine européenne.
Le
spectre de la délocalisation d'emplois industriels ne
planant pas sur le secteur de la production d'eau embouteillée,
le fait qu'une eau provienne de France obtient une adhésion
nettement moins marquée que pour l'ensemble des autres
biens de consommation. C'est la région qui constitue
pour le secteur des eaux en bouteilles la dimension
géographiquement cohérente avec la recherche des valeurs
de terroir.
Les
eaux régionales comme Soria
ou Plancoët communiquent
parfaitement sur leur identité régionale.
J
- Le
retour du goût
La
montée de l'immatériel rassurant associé aux produit
naturels conforte l'idée selon laquelle la prise en
compte des dimensions de santé et de terroir dans les
produits peut se traduire par une recherche accrue de
produits présentant un goût prononcé.
Les
campagnes de promotion menées à destination du jeune
public, comme la semaine du goût, qui vise également
à promouvoir les productions d'origine locale, soulignent
l'importance du lien inconscient qu'elles souhaitent
provoquer entre les notions de goût et de produit régional
(par exemple, en opposant les tomates de Provence et
les tomates de Hollande cultivées en toutes saisons
sous serre et sans terre).
Le
goût occupe une place toute particulière dans les critères
de choix des consommateurs pour un type d'eau. Il es
la principale justification donnée à la consommation
de l'eau du robinet lorsque son goût convient, et à
l'eau en bouteille dans le cas inverse.
L'attachement
plus fort des consommateurs d'eau gazeuse à une marque
particulière témoigne en outre d'une importance encore
plus marquée du goût du produit dans certains sous-segments
du marché des eaux embouteillées.
K
- L'eau
en bouteille et l'engagement dons les causes humanitaires
Le
fait qu'une marque soutienne financièrement une cause
humanitaire constitue un élément incitatif de second
ordre dans le segment des eaux embouteillées. II semble
que les influences respectives de l'immatériel associé
aux objectifs évoqués jusqu'à ce point (les garanties
d'hygiène-sécurité et la santé ; l'écologie, le terroir
et le goût : l'attention portée au prix des produits)
soient suffisamment importantes pour éclipser quelque
peu le recours aux campagnes de soutien aux causes comme
élément de promotion des marques d'eaux.
Certes
la mise en place de programmes de soutien à de telles
causes a également pu être constaté dans le secteur
des eaux minérales (Evian reversait une partie de ses
recettes sur ventes à l'Association des Enfants du Monde
de Yannick Noah) mais la sensibilité des consommateurs
à ce type d'actions ne semble pas atteindre les résultats
escomptés par les producteurs. Les dernières enquêtes
sur les grandes tendances de la consommation menées
au Crédoc ont montré l'émergence d'une nouvelle dimension
de la consommation "citoyenne".
L'extrême
sensibilité des ménages à la situation économique et
particulièrement à l'égard du chômage conduit les consommateurs
à considérer les comportements des entreprises avec
une acuité toute particulière. En particulier les personnes
interrogées ont déclaré être très sensibles à la façon
dont les industriels traitaient leurs employés.
Cette
nouvelle sensibilité des agents économiques, qui semblent
mieux percevoir les effets de leurs opinions au travers
de leur consommation davantage que par leur vote, pourrait
induire une recrudescence des comportements de boycott
l'égard des industriels non-respectueux de certaines
valeurs.
L
- L'influence
des attributs secondaires des produits
L'immatériel
associé à la consommation d'eau embouteillée évoqué
jusqu'à ce point traduit l'importance donnée aux caractéristiques
objectives du produit (composition organique, goût...)
et au rôle majeur accordé à son authenticité (terroir,
caractère naturel...).
Le
fait qu'un produit corresponde à une nouvelle marque
d'eau ne semble pas être un facteur incitatif fort,
bien que le lancement plutôt réussi de certains produits
récents comme Arvie ou Quézac, puisse contredire au
moins partiellement le déclaratif des individus interrogés.
La
publicité est également reléguée à un rô1e très secondaire,
même si son effet peut être plus collectif que centré
sur le produit présente, dans le sens où les campagnes
sur les bienfaits de telle ou telle marque d'eau peuvent
avoir davantage d'effet sur la substitution entre eau
du robinet et eau embouteillée, puisqu'elles se basent
largement sur des qualités communes à la plupart des
marques d'eaux minérales, que sur les arbitrages entre
marques.
Le
fait que la publicité sur une eau particulière bénéficie
à l'ensemble des producteurs est illustré par le développement
des eaux de source, qui ne réalisent pratiquement pas
de campagnes de communication et qui profitent largement
de l'engouement des consommateurs pour les produits
substituts à l'eau du robinet, engouement encouragé
par les actions menées par les grandes marques d'eaux
minérales.
Enfin,
l'art du packaging, ou le fait que la forme de la bouteille
plaise, constitue un facteur de choix des consommateurs
difficile à évaluer au travers d'une question aussi
directe. Néanmoins, les deux caractéristiques des nouveaux
produits que constituent d'une part la recrudescence
de formes de bouteilles originales (Ty Nant, Quézac...),
et d'autre part l'arrivée d'un nombre non-négligeable
de nouveaux conditionnements de couleur bleue (Arvie,
Ty Nant...), la couleur en vogue ou dire des gens de
marketing, semblent témoigner de la maturité du marché
et du fait que les industriels ne négligent aucun aspect
dans le lancement de nouveaux produits.
Le
développement de l'utilisation du PET dans les emballages
offre de par sa solidité et sa malléabilité de nouvelles
possibilités pour les désigners (nouvelles formes, gravage
du plastique...) sans trop altérer la résistance aux
chocs du plastique. Les nouvelles eaux embouteillées
dans des unités de production modernes pourront donc
bénéficier des opportunités offertes par l'utilisation
du PET.
M
- Le
poids des marques dans les achats d'eau en bouteille
La
structure oligopolistique du marché des eaux embouteillées
confère aux marque un rôle important dans une optique
de recherche de différenciation des produit. Sans trop
anticiper sur la partie relative aux stratégies des
entreprises, il semble que les grands groupes industriels,
qui disposent d'une palette étendue de marques différentes
utilisent les stratégies de marques pour tenter de couvrir
le maximum de segment de marché des eaux et en adaptant
leurs actions marketing et leur politique de communication
aux motivations des différents types de consommateurs.
Le
rôle important donné à la marque se justifie également
par les rigidités de comportement des consommateurs
qui affichent une assez grande fidélité aux marques
d'eaux embouteillées. La majorité des personnes interrogées
achète toujours la ou les mêmes marques d'eau en bouteille.
Les femmes sont plus fidèles à une marque d'eau en particulier
que les hommes (elles sont 63% à toujours acheter la
même marque d'eau contre 59% pour les hommes), traduisant
leur attachement aux propriétés objectives de certains
produits, comme Contrex, eau qui leur a été longtemps
destinée.
Le
segment des eaux gazeuses, la fidélité des consommateurs
aux marques est encore plus marquée. Cette caractéristique
s'explique par les spécificités gustatives des eaux
gazeuses présentes sur le marché (densité de bulles,
de sodium...) qui rendent les différents produits objectivement
très différents du point de vue du goût. Enfin, la consommation
d'eau en bouteille au restaurant s'accompagne plus fréquemment
d'une exigence en matière de marque, généralement d'une
grande marque nationale.
Pour
certaines catégories de consommateurs, ces comportements
pourraient néanmoins progressivement se modifier sous
l'influence du corps médical qui conseille de changer
régulièrement d'eau en fonction des différents degrés
de minéralité.
L'association
entre un consommateur et une marque est donc susceptible
d'être battue en brèche pour devenir une association
entre un consommateur et deux ou trois marques complémentaires.
Le nombre de garanties qu'une eau minérale se doit de
fournir pour figurer en bonne place dans les ventes
(hygiène, sécurité, santé, écologie...) apparaît finalement
relevant d'une alchimie suffisamment complexe pour donner
le tournis au consommateur.
C'est
donc aux marques d'eaux minérales, auxquelles les autorités
sanitaires imposent par des contrôles fréquents (les
étiquettes nous le rappellent) de présenter une composition
organique constante ou cours du temps, qu'incombent
la charge de rassurer sur le respect de cet ensemble
complexe de propriétés objectives.
Observation
déjà réalisée pour d'autres biens de consommation, la
marque semble donc avant tout recherchée pour les garanties
qu'elle procure, davantage que pour d'éventuelles considérations
de prestige ou d'image du produit, ces derniers éléments
étant néanmoins susceptibles de jouer un rôle plus important
pour la consommation en RHF.
Les
grandes marques semblent donc, dans le secteur des eaux
embouteillées, jouer un rôle de garant des propriétés
sanitaires des produits, de la même façon que les grandes
marques de produits industriels à fort contenu technologique
(dans le secteur électronique, l'équipement ménager...)
garantissent aux yeux des consommateurs un certain niveau
de qualité de fonctionnement.
N
- Conclusion
Le
secteur des eaux embouteillées offre un terrain d'application
privilégié aux orientations qualitatives récentes de
la consommation.
Peu
de produits peuvent, de par leur nature être autant
et simultanément affectés par l'ensemble des préoccupations
décrites dans cette partie. Les grands minéraliers l'ont
déjà bien intégré dans leurs campagnes de communications
et dans le processus de lancement de nouveaux produits.
Quézac,
la marque de création récente du groupe Nestlé, semble
ainsi être un concentré de tous les thèmes évoqués.
Il s'agit en effet d'une eau minérale (aspects santé
et garanties d'hygiène) naturelle (l'écologie) utilisant
un conditionnement original et respectueux de l'environnement
(une bouteille de forme originale en PET bleu) et commercialisée
à un prix raisonnable pour ce segment de marché (autour
de 3.60 F le litre).
La
campagne de publicité se fait en outre largement l'écho
de son origine naturelle en présentant l'histoire de
l'eau à travers une légende (la permanence au temps)
contée en occitan (le terroir) par une fillette à grands-parents
(mise en évidence du lien entre les générations qui
rassure sur les qualités atemporelles du produit), ce
qui constitue un moyen efficace de contourner le frein
qu'aurait pu constituer sa nouveauté.
Pour
les industriels du secteur, la prise en compte de l'immatériel
associé à la consommation d'eau en bouteille consiste
principalement dans la recherche du dosage optimal entre
les différents facteurs incitatifs. L'originalité du
produit " eau en bouteille " réside dans le nombre important
de caractéristiques favorables à sa consommation qu'il
réunit par nature et qui sont largement mises en avant
par les producteurs.
Cette
étroite adéquation aux valeurs du moment semble effectivement
en faire un des produits phares de la décennie. Le secteur
des eaux embouteillées offre donc de fortes potentialités
de développement tant sur le grand marché que constitue
la France, ne semblant pas avoir atteint leur seuil
de saturation - que sur les marchés à l'exportation
vers des pays encore peu consommateurs.
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