Le Premier ministre,
Sur le rapport de la ministre de l'aménagement du territoire et
de l'environnement,
Vu la directive 91/676/CEE du Conseil des Communautés européennes
du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la
pollution par les nitrates à partir de sources agricoles ;
Vu le code de l'environnement, notamment ses articles L. 211-1
à L. 211-3, L. 214-1 à L. 214-7, L. 216-3, L. 512-5 et L. 517-2
;
Vu le code rural ;
Vu le code de la santé publique, notamment son article L. 1311-1
;
Vu le code pénal, et notamment ses articles 121-2, 131-41, 132-11,
132-15 et R. 610-1 ;
Vu le décret no 89-3 du 3 janvier 1989 modifié relatif aux eaux
destinées à la consommation humaine à l'exclusion des eaux minérales
naturelles, notamment ses articles 16 et 18 dans leur rédaction
issue du décret no 91-257 du 7 mars 1991 ;
Vu le décret no 93-1038 du 27 août 1993 relatif à la protection
des eaux contre la pollution par les nitrates d'origine agricole
;
Vu les avis de la mission interministérielle de l'eau en date
du 2 mars et du 9 mai 2000 ;
Vu l'avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France en
date du 14 mars et du 9 mai 2000 ;
Vu l'avis du Comité national de l'eau en date du 11 mai 2000 ;
Le Conseil d'Etat (section des travaux publics) entendu,
Décrète :
Art. 1er. - Dans chacune des zones vulnérables délimitées conformément
aux dispositions du décret du 27 août 1993 susvisé, ou parties
de zones vulnérables, l'utilisation des fertilisants organiques
et minéraux, naturels et de synthèse contenant des composés azotés,
ci-après dénommés fertilisants azotés, ainsi que les pratiques
agricoles associées font l'objet d'un programme d'action.
Ces programmes s'appliquent sans préjudice des dispositions à
caractère obligatoire prises au titre d'un autre texte législatif
ou réglementaire.
Art. 2. - Le programme d'action relatif à une zone ou partie de
zone vulnérable comporte les mesures et actions nécessaires à
une bonne maîtrise de la fertilisation azotée et à une gestion
adaptée des terres agricoles dans cette zone, en vue de limiter
les fuites de composés azotés à un niveau compatible avec les
objectifs de restauration et de préservation, pour le paramètre
nitrates, de la qualité des eaux superficielles et souterraines.
Ce programme tient compte de la situation locale et de son évolution,
notamment de la teneur en nitrates des eaux superficielles et
souterraines, des systèmes de production et des pratiques agricoles,
du degré de vulnérabilité du ou des aquifères concernés et de
la présence de nitrates de provenances autres qu'agricoles.
Il est élaboré à partir d'un diagnostic tenant compte entre autres
des données scientifiques et techniques disponibles et des résultats
connus du programme d'action précédent. Le choix des modalités
envisageables pour chaque mesure ou action tient compte de leur
efficacité et de leur coût.
Il fixe :
1o Les prescriptions relatives à l'établissement des plans de
fumure et à la tenue par chaque exploitant d'un ou plusieurs cahiers
d'épandage des fertilisants azotés ;
2o La quantité maximale d'azote contenu dans les effluents d'élevage
pouvant être épandue annuellement par chaque exploitation, y compris
les déjections des animaux eux-mêmes ; cette quantité ne peut,
d'ici à la fin du premier programme d'action, être supérieure
à 210 kg d'azote par hectare de surface agricole utile, déduction
faite des surfaces où l'épandage est interdit, et à 170 kg par
hectare de la même surface, dite épandable, à l'issue du programme
suivant et au plus tard à partir du 20 décembre 2002 ;
3o Les modalités d'épandage à respecter pour assurer l'équilibre
de la fertilisation azotée de chaque parcelle, y compris les adaptations
liées à la présence de cultures irriguées ;
4o Les périodes d'interdiction d'épandage de fertilisants azotés
;
5o Les conditions particulières de l'épandage des fertilisants
azotés, liées à la proximité des eaux de surface, à l'existence
de fortes pentes, à des situations où les sols sont détrampés,
inondés, gelés ou enneigés ;
6o Les prescriptions relatives à la capacité de stockage des effluents
d'élevage, qui doit être suffisante pour que soient respectées
en toutes circonstances les prescriptions relatives à l'épandage
de ces effluents, compte tenu des possibilités de les traiter
et de les éliminer ;
7o Les modalités relatives à une gestion adaptée des terres, si
nécessaire ;
8o Toute autre mesure utile répondant aux objectifs et aux critères
ci-dessus, notamment la limitation des apports azotés minéraux
;
9o Les actions renforcées prévues aux articles 3 et 4, le cas
échéant.
Un arrêté pris conjointement par les ministres chargés de l'agriculture,
de l'environnement et de la santé précise la méthodologie d'élaboration
et le cadre technique des programmes d'action.
Art. 3. - Dans les cantons en excédent structurel d'azote lié
aux élevages, le programme d'action comprend, outre les mesures
définies à l'article 2, adaptées si nécessaire, des actions renforcées.
Un canton est considéré en excédent structurel d'azote lié aux
élevages dès lors que la quantité totale d'effluents d'élevage
produite annuellement conduirait, si elle était épandue en totalité
sur le territoire du canton, à un apport annuel d'azote supérieur
à 170 kg par hectare de surface épandable.
Les actions renforcées sont définies de manière à respecter à
l'échelle du canton concerné les limites et échéances fixées au
2o de l'article 2.
Elles comportent :
1o La fixation obligatoire, par canton, de l'étendue maximale
des surfaces d'épandage autorisées pour chaque exploitation ;
2o L'obligation faite aux exploitants de traiter ou de transférer
les effluents d'élevage ne pouvant être épandus dans la limite
de ces maxima. Le transfert consiste en un épandage en dehors
des cantons où la quantité d'effluents d'élevage produite annuellement
par l'ensemble du cheptel du canton conduirait, si elle était
totalement épandue sur le territoire du canton, à un apport annuel
d'azote supérieur à 140 kg par hectare épandable ;
3o Si nécessaire, une obligation de traitement ou de transfert
des effluents pour les exploitations excédant une taille définie
par le programme d'action, limitant l'épandage aux seules terres
exploitées en propre, même si leur surface est inférieure aux
maxima définis en application du 1o du présent article ;
4o L'interdiction pour chaque exploitant du canton d'augmenter
ses effectifs animaux par espèce tant que la résorption de l'excédent
structurel d'azote lié aux élevages n'est pas réalisée. Dans le
respect des objectifs de réduction des apports azotés fixés à
l'article 2 du présent décret, des dérogations peuvent être accordées
par le préfet, afin de permettre l'installation de jeunes agriculteurs
et de ne pas entraver le développement indispensable des exploitations
de dimension économique insuffisante sans qu'elles puissent excéder
3 unités de travail agricole (UTA) et dans les limites figurant
en annexe. Les conditions en sont fixées par l'arrêté ministériel
prévu à l'article 2 du présent décret, sans que ces dérogations
puissent avoir pour effet, dans le canton concerné, de réduire
de plus de 25 % la quantité d'azote effectivement résorbée dans
le cadre des actions renforcées définies au présent article, et
de 15 % si le canton est situé dans un bassin versant soumis aux
dispositions de l'article 4 du présent décret.
Art. 4. - Dans les bassins versants situés en amont des prises
d'eau superficielle utilisée pour la production d'eau destinée
à la consommation humaine qui présentent des concentrations en
nitrates ne respectant pas les exigences de qualité fixées par
l'article 16 et l'annexe I-3 du décret du 3 janvier 1989 susvisé,
le préfet détermine les zones dans lesquelles le programme d'action
comporte, outre les mesures mentionnées à l'article 2 du présent
décret et adaptées si nécessaire, des actions complémentaires.
Les actions complémentaires comportent :
1o L'obligation de couverture du sol sur toutes les parcelles
pendant les périodes présentant des risques de lessivage ;
2o L'obligation, en bordure des cours d'eau, de maintenir l'enherbement
des berges, les surfaces en herbe, haies ou arbres et tout aménagement
continuant à limiter le transfert d'azote vers les eaux superficielles
;
3o La fixation de prescriptions relatives au retournement des
prairies de plus de trois ans ;
4o La limitation des apports d'azote, toutes origines confondues
;
5o Le cas échéant, certaines des actions renforcées citées à l'article
3.
Ces mesures, ajustées à l'ampleur du dépassement constaté, s'imposent
à chaque exploitant agricole sur les terres de son exploitation
situées dans le bassin versant concerné. Elles visent à restaurer
une eau conforme aux exigences de qualité fixées dans l'annexe
I-3 du décret du 3 janvier 1989 susvisé. Elles peuvent être adaptées
à chaque exploitation ou groupe d'exploitations en fonction de
leur situation dans le bassin versant et des risques qui leur
sont spécifiques.
Elles sont inscrites dans le plan de gestion des ressources en
eau prévu par l'article 18 du décret du 3 janvier 1989 susvisé.
Si, au cours d'un programme d'action, les concentrations en nitrates
d'un bassin versant situé en amont d'une ou plusieurs prises d'eau
superficielle destinées à la production d'eau destinée à la consommation
humaine viennent à dépasser les limites fixées à l'annexe I-3
du décret du 3 janvier 1989 susvisé, des actions complémentaires
sont mises en vigueur dans un délai de six mois à compter de la
constatation du dépassement par le préfet.
Art. 5. - Le programme d'action est arrêté par le préfet après
avoir consulté le conseil général, le conseil départemental d'hygiène,
la chambre départementale d'agriculture, l'agence de l'eau et,
s'il y a lieu, le comité technique de l'eau, qui disposent chacun
de deux mois pour faire connaître leur avis. A l'issue de ce délai,
les consultations sont réputées effectives.
Le programme d'action est réexaminé et, le cas échéant, révisé,
tous les quatre ans au moins, à l'initiative du préfet et selon
les mêmes formes.
Dans les cas de situations exceptionnelles, tels les grands accidents
climatiques, le préfet peut déroger temporairement à certaines
mesures du programme d'action, après avoir pris l'avis du conseil
départemental d'hygiène.
Art. 6. - Sans préjudice de la mise en oeuvre du programme de
surveillance de la teneur des eaux en nitrates d'origine agricole,
les ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et
de la santé évaluent au moins tous les quatre ans l'efficacité
des programmes d'action. A cet effet, ils peuvent consulter l'assemblée
permanente des chambres d'agriculture, les organisations professionnelles
agricoles, les associations agréées de protection de l'environnement,
les associations de consommateurs, ainsi que les distributeurs
d'eau.
Art. 7. - Sans préjudice des dispositions des articles L. 216-6
à L. 216-13 du code de l'environnement, est puni de la peine d'amende
prévue pour les contraventions de la 5e classe le fait de ne pas
respecter, dans les zones vulnérables, les prescriptions des programmes
d'action prévues aux articles 2, 3 et 4 du présent décret.
Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement,
dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal.
Elles encourent la peine d'amende suivant les modalités prévues
à son article 131-41.
La récidive est réprimée conformément aux articles 132-11 et 132-15
dudit code.
Art. 8. - Le décret no 96-163 du 4 mars 1996 relatif aux programmes
d'action à mettre en oeuvre en vue de la protection des eaux contre
la pollution par les nitrates d'origine agricole est abrogé.
Toutefois, les programmes d'action en vigueur continuent de produire
leur effet jusqu'à la publication des arrêtés préfectoraux pris
pour l'application du présent décret.
Art. 9. - La ministre de l'emploi et de la solidarité, la garde
des sceaux, ministre de la justice, le ministre de l'intérieur,
le ministre de l'agriculture et de la pêche, la ministre de l'aménagement
du territoire et de l'environnement et la secrétaire d'Etat à
la santé et aux handicapés sont chargés, chacun en ce qui le concerne,
de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel
de la République française.
Fait à Paris, le 10 janvier 2001.
Lionel Jospin
Par le Premier ministre :
La ministre de l'aménagement du territoire
et de l'environnement,
Dominique Voynet
La ministre de l'emploi et de la solidarité,
Elisabeth Guigou
La garde des sceaux, ministre de la justice,
Marylise Lebranchu
Le ministre de l'intérieur,
Daniel Vaillant
Le ministre de l'agriculture et de la pêche,
Jean Glavany
La secrétaire d'Etat à la santé
et aux handicapés,
Dominique Gillot
A N N E X E
(Art. 3)
Limites de développement des exploitations de dimension économique
insuffisante (EDEI) pouvant bénéficier d'une dérogation au titre
du 4o de l'article 3.
Peuvent seules bénéficier d'une dérogation les exploitations n'excédant
pas 3 UTA (unités de travail agricole), avec les équivalences
suivantes :
Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
n° 11 du 13/01/20 1 page 655 à 657
~Nota. - Le cheptel des élevages non spécifiés ci-dessus est déterminé
par équivalence conformément aux règles des projets agricoles
départementaux.
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